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Il suffit d’étiqueter. L’impact des modifications à la gestion des OGM

11 août 2022

Au printemps dernier, l’ACIA a annoncé son intention de réviser les lignes directrices qui régissent l’approbation et l’utilisation de semences génétiquement modifiées (GM). En fait, les nouvelles  Orientations règlementaires de Santé Canada sur l’interprétation de la nouveauté envers les produits de sélections végétales permettraient à certaines entreprises de mettre sur le marché de nouvelles variétés de semences sans déclarer qu’elles sont génétiquement modifiées. Évidemment, comme les variétés GM sont interdites par la Norme biologique canadienne, le secteur biologique s’élève contre cet assouplissement réglementaire : comment peut-on éviter de semer des variétés GM si le semencier n’indique pas sur l’étiquette de ses produits qu’elles sont génétiquement modifiées?

En vertu de la réglementation actuelle, les semenciers doivent déclarer sur l’étiquette de leurs produits que les semences sont un produit ‘nouveau’ si leurs caractères génétiques ont été modifiés par une manipulation intentionnelle.

Comme les directives proposées modifient la définition d’un “aliment nouveau”, les compagnies pourraient mettre sur le marché des variétés génétiquement modifiées sans surveillance gouvernementale, pour autant que le produit ne contienne pas de matériel génétique (ADN) étranger et que les modifications génétiques soient conformes aux nouvelles lignes directrices, et sans que les produits GM soient étiquetés.

Allison Squires et sa famille sur la ferme familiale Upland Organics, en Saskatchewan. Allison Squires est également présidente de la Cultivons Biologique Canada (COG), membre du conseil d'administration de la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM) Amérique du Nord et membre du Comité d'interprétation des normes (CIN).

Le risque que cela représente pour les agriculteurs biologiques est énorme. Allison Squires, une productrice biologique de la Saskatchewan, qui exploite une ferme familiale d’élevage mixte de bovins et de céréales biologiques, et dont 99% de la production est exportée vers l’Union européenne, est déconcertée par cet assouplissement de l’évaluation et de l’étiquetage des OGM.

C’est que les changements proposés auront le plus grand impact sur les producteurs qui expédient leurs produits vers l’UE, une juridiction qui ne tolère qu’un taux de contamination de 0.9% par les OGM pour les produits y importés. Bien qu’il n’y ait pas de seuil spécifique pour les produits biologiques, la règle générale est que tout produit contaminé sera décertifié, et les producteurs biologiques canadiens en subiront les contrecoups.

Les producteurs biologiques canadiens, qui paient déjà pour les tests relatifs à la contamination par les pesticides, devront ajouter le testage des OGM avant d’y expédier leurs produits.  

“Par exemple, pour exporter vers l’UE des lentilles cultivées sur notre ferme, nous prélevons et envoyons un échantillon à l’avance pour qu’il y soit testé. On expédie le produit si on nous confirme que tout semble bon, et l’expédition outre-mer coûte 4 000 dollars. Mais les lentilles sont à nouveau testées avant d’être utilisées dans l’usine de transformation et c’est là que les choses se compliquent. Si ce second test révèle un taux de contamination inacceptable, les conteneurs sont renvoyés au Canada à nos frais.

“Ils recherchent des niveaux très proches du seuil de détection, en d’autres termes dans la marge d’erreur de la méthode de test.” Cette variabilité signifie qu’il peut y avoir des fluctuations dans les résultats des tests. En outre, s’il y a des points de contamination le long de la chaîne d’approvisionnement qui échappent au contrôle de l’agriculteur, cela peut également entraîner une différence dans les résultats des tests. Dans un cas comme dans l’autre, l’agriculteur doit gérer le problème de la manutention du grain après son rejet, ainsi que le coût de son renvoi”, ajoute Squires.

Les produits biologiques expédiés dans l'UE dont les tests révèlent qu'ils sont contaminés doivent être réexpédiés aux frais de l'agriculteur.

ester les OGM représente pour Allison Squires un coût et une procédure supplémentaires. “J’espère toujours que nous n’aurons pas à faire face à ce problème. La plus grande préoccupation des agriculteurs biologiques est simplement de ne pas savoir si les semences qu’ils sèment sont génétiquement modifiées. Nous devrons tester la semence avant de la planter, puis le produit, plutôt que de nous limiter au produit final comme nous le faisons pour la contamination par les pesticides”, note M. Squires.
 
Par ailleurs, certaines modifications issues du génie génétique sont difficiles à détecter. Les tests de dépistage de ces mutations sont disponibles, mais ils sont onéreux, et les laboratoires offrant ces services sont limités, ce qui signifie que les producteurs biologiques paieraient le prix fort simplement pour s’assurer que ce qu’ils sèment est autorisé.
 
 
Non seulement cela affecterait les exportations vers les marchés de l’UE, mais il est possible que ces changements affectent les marchés d’exportation vers d’autres pays qui adopteront une position plus ferme face aux produits GM. “Pourquoi devrions-nous nous abaisser au plus bas dénominateur alors que le Canada devrait être en tête du peloton ? L’Europe voit une énorme différence entre le Canada biologique et les États-Unis, nous en parlons constamment avec nos acheteurs et ils sont ravis d’acheter au Canada parce que nous jouissons d’une meilleure réputation “, dit Squires.

C’est pourquoi les nouvelles lignes directrices proposées sont accablantes pour les producteurs biologiques.  “Imaginez que j’ensemence 2 000 acres de blé dur tout en ignorant que les semences sont GM parce que le semencier n’est pas tenu de l’indiquer, et que le test GM soit finalement positif. Cela disqualifie ma production actuelle, et les 2 000 acres utilisés doivent être soumis à nouveau à la conversion vers le bio pour les trois prochaines années”, explique Squires. “Il nous incombe donc de tester les semences non étiquetées pour que le produit puisse être expédié sans problème.”

“Cela menace des fermes comme la nôtre, tout simplement. Nous continuerions à pratiquer l’agriculture biologique car je ne nous imagine pas utiliser des produits chimiques, mais nous ne serions pas en mesure de respecter les normes biologiques. Les agriculteurs biologiques vendraient à perte leurs produits contaminés sur les marchés conventionnels, ce qui aurait un impact majeur sur leur certification biologique et sur leurs résultats financiers. »
 

" Ces nouvelles mesures peuvent carrément mettre un terme à des exploitations agricoles comme la nôtre, il faut s'y opposer."

Ces enjeux réglementaires causent aux agriculteurs biologiques une énorme quantité de stress et de frustration, mais Squires souligne qu’il y a des points positifs à en tirer. “Tout ce processus m’a montré que le secteur biologique est vraiment une communauté. Toutes les organisations nationales, les associations provinciales ainsi que les organismes de certification et les grandes entreprises qui font la promotion de l’agriculture biologique ou qui s’y intéressent participent à cette discussion”, confirme-t-elle.  

Les modifications réglementaires sont toujours en cours d’examen par l’ACIA; elles devraient être annoncées d’ici la fin de l’année.

Tout compte fait, les agriculteurs biologiques n’ont besoin que d’une directive pour atténuer l’impact des changements proposés. “Il suffit d’étiqueter”, dit Mme Squires. “C’est tout ce que nous demandons, et ce n’est pas difficile”.
 
Pour plus d’informations sur la façon dont vous pouvez agir et exprimer votre opinion sur les changements proposés, visitez le site  https://cban.ca/take-action/no-exemptions/  

Le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB) a été à l’avant-garde de la lutte contre les changements proposés par l’ACIA aux directives réglementaires sur les OGM. Le RCAB, la National Farmers Union et des groupes d’intervenants du secteur biologique ont rencontré des représentants de l’ACIA à plusieurs reprises au cours de l’été pour discuter des répercussions des changements prévus aux lignes directrices. 

” L’ACIA ne révise pas vraiment ses propositions. Elle formule dans un nouveau langage la même autoréglementation des semences génétiquement modifiées qu’elle a proposée l’an dernier ” – Lucy Sharratt, coordonnatrice du RCAB.

“Les agriculteurs sont occupés aux champs pendant l’été, c’est donc un défi majeur de s’impliquer dans cette importante consultation. Le gouvernement devrait choisir un moment beaucoup moins exigeant pour nous tous afin d’entendre les préoccupations des agriculteurs face aux propositions qui auraient un impact si important sur les agriculteurs biologiques en particulier.” – Garry Johnson, SaskOrganics.

Restez à l’affût des dernières nouvelles concernant les nouvelles directives sur les OGM en vous inscrivant au bulletin du RCAB à l’adresse https://cban.ca/

Pour tout savoir sur la recherche en agriculture biologique,
consultez les sites:

de la Fédération biologique du Canada et
du Centre d ‘agriculture biologique du Canada

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