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La Science du Bio au Canada - Printemps 2022

Magazine

Plus il y en a, mieux c’est? Cultures de couverture multi-espèces comparativement à une seule espèce dans la production de la carotte

Le traitement témoin qui était essentiellement une jachère, où prédominaient le chénopode, le gaillet et l’amarante à racine rouge, le 30 juillet, 2018. Les mauvaises herbes ne sont pas si mauvaises après tout? ...tant qu’elles ne montent pas en graines avant l’incorporation au sol. (Photo de Frank Larney)

Par Frank Larney, Haley Catton, Charles Geddes, Newton Lupwayi, Tom Forge, Reynald Lemke, and Bobbi Helgason 

Agriculture & Agroalimentaire Canada, Lethbridge, AB; Summerland, BC; Saskatoon, SK; Dep. Science du sol, Univ. de Saskatchewan 

Les cultures de couverture jouent un rôle vital dans les systèmes d’agriculture biologique. Elles offrent de nombreux avantages incluant l’amélioration de la matière organique et de la santé des sols, la rétention de l’azote, la suppression des mauvaises herbes, la conservation de l’humidité du sol, et par conséquent, une augmentation des rendements des cultures. Traditionnellement, les cultures de couverture sont composées généralement d’une, ou parfois deux espèces (p.ex. seigle d’automne ou orge/pois). Cependant, au cours des dernières années, divers mélanges ou « cocktails » qui contiennent jusqu’à 15 espèces de cultures de couverture ont gagné en popularité. Ces mélanges de cultures de couverture multi-espèces sont-ils vraiment meilleurs que leurs homologues moins sophistiqués? 

Les cultures de couverture sont souvent cultivées pendant la saison principale (remplaçant une culture commerciale en rotation) ou semées à l’automne pour protéger le sol de l’érosion éolienne et hydrique tout au long de l’hiver et au début du printemps. Dans notre étude financée dans le cadre par la Grappe Scientifique Biologique, nous avons comparé l’impact sur les paramètres du sol, les ravageurs et les mauvaises herbes de différentes cultures de couverture composées de plusieurs espèces et semées en saison principale. Nous voulions également évaluer les effets des cultures de couverture d’automne (p.ex. le blé d’hiver) et leurs impacts sur les vers fil-de-fer et les nématodes. En fait, ces ravageurs seraient avantagés par les cultures de couverture car ils semblent avoir un plus grand taux de survie en saison de non-croissance (l’hiver) lorsque des racines vivantes sont présentes.  

Notre équipe de recherche était composée d’experts en science du sol, d’un entomologiste, d’un nématologue, d’un spécialiste des mauvaises herbes, de techniciens en champ et de techniciens de laboratoire, ainsi que de nombreux étudiants d’été. Nous avons collaboré avec Howard et Cornelius Leffers qui exploitent une ferme biologique irriguée près de Coaldale, en Alberta. Ils se spécialisent en production de carottes et de betteraves rouges pour les restaurants, les marchés publics et les épiceries qui vendent des aliments biologiques, et cultivent la luzerne, le blé d’hiver et les haricots secs. Nous avons évalué sept types de cultures de couverture avant la production de carottes. Les cultures de couverture ont été établies en juin de la première année, comme suit : 

(1) Sarrasin;  

(2) Féverole;  

(3) Brassicacées (moutarde blanche + moutarde brune);  

(4) Mélange*; 

(5) Mélange* suivi par l’orge qui a poussé jusqu’au premier gel meurtrier;  

(6) Mélange* suivi par le blé d’hiver qui a survécu à l’hiver, a repris au printemps et a été terminé par le travail du sol; et  

(7) Témoin (pas de culture de couverture, et on a laissé pousser les mauvaises herbes).  

*Un mélange de cinq légumineuses, quatre graminées, deux brassicacées, de lin, de  

phacélie, de carthame et de sarrasin (15 espèces au total). 

En août, tous les traitements et le témoin ont été incorporés au sol par disquage. Rien n’a été planté pendant l’hiver dans les parcelles témoin et les parcelles des traitements 1-4; on a laissé pousser les mauvaises herbes. Des cultures de couverture ont été semées dans les parcelles des traitements 5 et 6.  

Au cours de la deuxième année, des carottes ont été plantées en juin et récoltées à l’automne. Nous avons terminé deux cycles de rotation de cultures de couverture-carottes (2018-19, 2019-20). Un troisième cycle, retardé en raison de la pandémie, est maintenant en cours.  

De gauche à droite : Charles Geddes (Weed Ecology & Cropping Systems, AAC-Lethbridge); Howard Leffers (producteur-collaborateur, Coaldale, AB); et James Hawkins (récipiendaire Nuffield (2018), Neuarpurr, Victoria, Australie) dans la culture de couverture de 15 espèces, le 7 août 2018. (Photo de Frank Larney)

Des échantillons de biomasse de cultures de couverture et de mauvaises herbes ont été prélevés juste avant le disquage en août de la première année. Nous avons mesuré les concentrations de carbone (C) et d’azote (N) des cultures de couverture et des principales espèces de mauvaises herbes. En 2018, les cultures de couverture multi-espèces, les brassicacée et le sarrasin étaient plus compétitives que les mauvaises herbes, montrant une biomasse de mauvaises herbes significativement plus faible. Cependant, il n’y avait pas de différence significative dans la biomasse des mauvaises herbes entre le traitement de fèverole et le témoin. Dans cette composante de l’étude, nous sommes particulièrement intéressés à quantifier le retour du carbone et de l’azote au sol sous forme de biomasse de mauvaises herbes lors de l’incorporation. Cet aspect a été précédemment négligé et est donc sous-évalué.   

Est-il possible que le témoin (pas de culture de couverture, seulement des mauvaises herbes) ait performé aussi bien que les cultures de couverture en termes d’effets sur la santé du sol ou du rendement/qualité des carottes? Étant donné que les mauvaises herbes ont également été incorporées au sol en août, le traitement de féverole et le témoin ont retourné plus de C total au sol (en moyenne 2220 kg/ha) en raison d’une plus grande biomasse de mauvaises herbes que le sarrasin, les brassicacées ou le mélange multi-espèces (850-1330 kg/ha). De plus, la féverole étant une légumineuse fixatrice d’azote, ce traitement a retourné significativement plus d’azote au sol (99 kg/ha) que le sarrasin (60 kg/ha), mais pas le témoin (79 kg/ha). Les brassicacées et le mélange multi-espèces ont tous deux retourné des quantités d’azote significativement plus faibles (en moyenne, 38 kg/ha).   

Quant à la santé des sols, le mélange multi-espèces a entraîné une plus grande activité microbienne que les cultures de couverture composées de brassicacées ou de sarrasin. Le traitement des cultures de couverture n’a eu aucun effet sur les populations de nématodes des lésions des racines avant ou après l’incorporation des cultures de couverture en 2018, ou avant la plantation de carottes en 2019. 

Les mauvaises herbes ne sont pas différentes des autres plantes : elles absorbent les nutriments du sol et quand elles se décomposent, elles remettent du carbone, de l'azote et d'autres nutriments dans le sol.

Après la récolte de la deuxième année, notre équipe a classé les carottes dans les catégories de Classe A (visuellement attrayantes, sans déformations : idéales pour les restaurants, les marchés publics et les épiceries d’aliments biologiques) et Classe B (déclassées en raison des dommages causés par les vers fil-de-fer, carottes fourchues ou autres déformations : ne conviennent qu’à la production de jus). Les carottes de Classe B valent environ un tiers des carottes de Classe A.   

En 2019, il n’y avait pas de différence significative entre les traitements pour le rendement des carottes de Classe A. Cependant, les cultures de couverture multi-espèces avaient une plus grande proportion de carottes de Classe B, y compris des carottes fourchues. Les déformations des carottes peuvent être causées par un sol compact, une interférence avec des mauvaises herbes et par des insectes et des nématodes qui se nourrissent des racines en croissance. Quand le mélange multi-espèces a été suivi de cultures de couverture semées à l’automne (traitements 5 et 6), il y avait une légère hausse des dommages causés par les vers fil-de-fer. En 2020, le rendement total des carottes (Classes A et B) était 10% plus élevé quand le mélange était suivi de cultures de couverture semées à l’automne (orge, blé d’hiver) comparativement aux cultures de brassicacées. Cependant, il y a eu peu d’autres effets des traitements de cultures de couverture sur les paramètres de la carotte en 2020.  

Certaines analyses de sol en laboratoire ont été retardées en raison de la pandémie. Celles-ci, ainsi que les résultats de notre troisième essai au champ (cycle culture de couverture-carotte 2021-22) aideront à solidifier nos conclusions et à déterminer les avantages et les inconvénients des cultures multi-espèces comparativement aux cultures de couverture mono-espèce en production de carottes biologiques irriguées.  

Pour d’avantage d’information  #

Pour en savoir davantage sur l’activité 8 de la GSB3, consultez dal.ca/oacc/osciii

La Grappe scientifique biologique 3 est dirigée par la Fédération biologique du Canada, en collaboration avec le Centre d’agriculture biologique du Canada à l’Université Dalhousie, et soutenue par le programme Agri-science d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans le cadre stratégique du Partenariat canadien pour l’agriculture (un investissement fédéral-provincial-territorial), et par plus de 70 partenaires du secteur biologique.

Ce magazine peut être ainsi référencé : Geldart, E. Graves, M.E., Boudreau, N., Wallace, J., et Hammermeister, A.M. (rédacteurs). 2022. La Science du Bio au Canada. Volume 4. Fédération biologique du Canada, Montréal, QC et Université Dalhousie, Truro, N.-É. 40 p. www.dal.ca/oacc/oscIII

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