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La Science du Bio au Canada - Printemps 2022

Magazine

Les sols bio ont-ils besoin d’être régénérés?

Par Nicole Boudreau
Fédération biologique du Canada

La santé des sols est devenue le sujet de l’heure : l’agriculture régénératrice est promue tous azimuts, tant par les tenants de l’agriculture intensive conventionnelle, tel General Mills, que par l’Institut Rodale, qui a créé une forme de certification biologique en annexant l’application de pratiques régénératrices. 

Le qualificatif ‘régénératrice’ est attirant : on veut tous se régénérer! C’est une promesse de jeunesse prolongée, de vivacité tant de nos personnes que de nos sols. Comment se qualifie l’agriculture biologique dans ce contexte de la promotion de l’agriculture régénératrice? 

Dans les faits, a-t-on besoin de régénérer les sols biologiques? La Norme biologique canadienne (NBC) inclut-elle des pratiques qui soignent les sols et assurent la pérennité des cultures? 

La fertilité du sol #

Le sol est la base incontournable de la production bio, comme en fait foi la section 5.4 intitulée Gestion de la fertilité du sol et des nutriments, qui prescrit d’établir et de maintenir la fertilité du sol en préservant et augmentant la matière organique qui le compose, tout en visant un équilibre optimal entre les nutriments et stimulant l’activité biologique du sol. 

Un sol fertile est un sol en santé.  

On favorise la fertilité du sol par la rotation des cultures, incluant engrais verts, cultures dérobées, légumineuses ou plantes à enracinement profond (5.4.2 a), le recours au compost et aux déjections animales (5.4.2 b), et un travail du sol qui préserve son état physique, chimique et biologique. Il est prescrit de minimiser les dommages à la structure du sol et d’en prévenir l’érosion (5.4.3). 

Qui plus est, les matières végétales et animales utilisées pour préserver et améliorer la santé du sol ne doivent pas contaminer les cultures, le sol et l’eau (surplus d’éléments fertilisants, pathogènes métaux lourds ou autres substances interdites) (5.5.4). En fait, la section 5.5.2 est consacrée à l’épandage écologique des déjections animales. 

La gestion des ravageurs (insectes, maladies et mauvaises herbes) comprend les pratiques culturales  (rotations des cultures, variétés résistantes et maintien d’un écosystème équilibré), les méthodes mécaniques (travail du sol, paillis) et physiques (tel le brûlage des mauvaises herbes). 

La Norme bio place donc la fertilité du sol en première ligne; elle interdit l’hydroponie et l’aéroponie. Mais depuis que l’agriculture régénératrice place le ‘no-till’, soit le semis direct sans travail du sol, comme pratique essentielle au maintien de la santé des sols, comment s’assurer que les sols biologiques demeurent en santé lorsque le travail du sol est utilisé pour contrôler les mauvaises herbes? Un sol bio est-il un sol en santé? 

De quoi dépend la santé du sol? #

La santé des sols est une cible mouvante. Les conditions météorologiques, le type de cultures, les pratiques agriculturales, les cycles saisonniers… tous ces facteurs influent sur la qualité et la fertilité du sol. L’enjeu de tout producteur soucieux de préserver la santé de ses sols est donc de maintenir l’équilibre, d’analyser l’impact des pratiques culturales qu’il applique saison après saison et de faire les ajustements nécessaires.  

Par exemple, après la production d’une culture à forte demande en nutriments, le sol sera traité avec un soin particulier. Ses réserves de nutriments et de matière organique seront reconstituées en semant des cultures de couverture, de l’engrais vert ou en appliquant du compost pour protéger et nourrir les micro-organismes du sol.  

Lorsque le travail du sol est utilisé,  le producteur plantera une culture fourragère, sèmera un engrais vert, appliquera un paillis ou fournira toute autre couverture végétale pour soutenir la vie du sol et rétablir les agrégats organiques qui composent la structure du sol. Ces pratiques compensent largement les inconvénients tant décriés du travail du sol qui demeure, par ailleurs, un outil précieux pour incorporer les engrais verts, les résidus de culture et les autres matières organiques qui contribuent à nourrir la vie du sol. 

Préserver la santé du sol #

Le recours aux cultures dérobées (5.4.2 a) entre les saisons de culture piège les minéraux pour en limiter le lessivage tout en couvrant le sol; elles protègent le sol quand elles sont plantées entre les rangs des cultures principales. 

Il faut aussi noter que l’interdiction de fertilisants, de fongicides et d’Insecticides de synthèse en production biologique préserve la vitalité des organismes du sol qui décomposent la matière organique et la rendent assimilable par les végétaux, un paramètre important de la santé des sols. 

Les principes et les pratiques de la NBC profitent donc à la santé des sols. La Regenerative Organic Alliance (dont Rodale est un membre important) a développé la Certification biologique régénératrice  (ROC) qui requiert la certification biologique de base pour tout produit qui se qualifie comme étant issu de l’agriculture régénératrice. La ROC met l’emphase sur la couverture permanente des sols cultivables. 

Dans les faits, les champs biologiques sont le plus souvent couverts. On voit rarement un sol biologique nu à cause du maintien obligatoire de la fertilité du sol (5.4.1) par la rotation des cultures, la culture d’engrais verts et l’application de compost, de fumier âgé et d’autres matières organiques.  

La régénération du sol en production en serre #

La NBC permet, depuis 2009,  que les végétaux soient cultivés en contenants, typiquement dans les serres, mais sous strictes conditions (7.5). Un volume de sol minimal est prescrit en fonction du type de culture; des conditions minimales doivent être respectées afin de maintenir la santé des sols des contenants; la structure physique du sol sera constituée d’une fraction minérale (sable, limon, argile) et d’une fraction organique. Le sol doit contenir au moins 10% en volume de compost et au moins 2% de minéraux en poids sec ou en volume. Des applications additionnelles de compost doivent faire partie du programme de fertilisation (7.5.2.4 a). La NBC recommande aussi de régénérer le sol des serres ou des autres structures par l’introduction de paillis végétaux biodégradables (paille ou foin) (7.5.9). Par ailleurs, toutes les substances permises au tableau 4.2 des Listes des substances permises peuvent être utilisées pour maintenir la fertilité des sols en contenants.  

Un sol malade n’étant pas fertile, la Norme biologique s’attarde donc amplement à la santé du sol en serriculture. Cependant, les produits issus de la serriculture ne porteront jamais le label ‘issu de l’agriculture régénératrice’ étant donné que la norme actuelle de la Certification biologique régénératrice ne permet pas de cultiver en contenants des plantes autres que les semis qui seront transplantés dans le champ. 

Le choix de l’industrie biologique canadienne d’inclure la culture en serre dans la Norme biologique demeure cependant des plus légitime : la prolongation des saisons de cultures par la serriculture permet d’approvisionner localement en verdures fraîches les habitants des pays froids qui en ont bien besoin.  

Les sols biologiques sont-ils en santé? La Norme biologique est révisée chaque cinq ans afin de réévaluer ou introduire les meilleures pratiques qui maintiendront la fertilité du sol. La qualité des sols dépend de l’ensemble des pratiques appliquées saison après saison; elle résulte de l’équilibre entre l’apport de nutriments au sol et l’assimilation des nutriments par les végétaux. Le sol se régénère quand on applique avec constance année après année les pratiques de la Norme biologique.  

La Grappe scientifique biologique 3 est dirigée par la Fédération biologique du Canada, en collaboration avec le Centre d’agriculture biologique du Canada à l’Université Dalhousie, et soutenue par le programme Agri-science d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans le cadre stratégique du Partenariat canadien pour l’agriculture (un investissement fédéral-provincial-territorial), et par plus de 70 partenaires du secteur biologique.

Ce magazine peut être ainsi référencé : Geldart, E. Graves, M.E., Boudreau, N., Wallace, J., et Hammermeister, A.M. (rédacteurs). 2022. La Science du Bio au Canada. Volume 4. Fédération biologique du Canada, Montréal, QC et Université Dalhousie, Truro, N.-É. 40 p. www.dal.ca/oacc/oscIII

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