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La Science du Bio au Canada - Printemps 2022

Magazine

Abri Végétal : Des cultures bio savoureuses, cultivées intelligemment

Annie Lévesque, de l'Abri Végétal, au marché fermier de Compton, QC. (Photo soumise)

Par Joannie D’Amours,
Étudiante à la Maîtrise, Université Laval

Les entreprises serricoles biologiques souhaitent utiliser plus efficacement la lumière, l’énergie et les ressources naturelles en serre pour une production maraîchère sur quatre-saisons. On veut réduire l’empreinte écologique, renforcer la sécurité alimentaire et améliorer la durabilité et la rentabilité des fermes; Frédéric Jobin-Lawler et Annie Lévesque, propriétaires de l’Abri végétal,  soutiennent cette approche en participant à une activité menée par Martine Dorais, chercheure et professeur titulaire à l’université Laval, qui compare l’agriculture biologique verticale à l’utilisation intelligente des serres dans le cadre de la Grappe scientifique biologique 3

L’Abri végétal est une ferme familiale située à Compton, dans les Cantons-de-l’Est, qui produit des légumes biologiques en serre (tomate, concombre, etc.), des fines herbes et des micro-verdurettes vendus localement et exportés États-Unis. Le but des deux propriétaires : réduire leur empreinte carbone, tout en s’adaptant aux nouvelles conditions du marché (diversification des légumes offerts, accroissement de la période d’exploitation saisonnière, etc.) et soutenir la recherche scientifique.  

Parallèlement aux essais effectués en laboratoire à l’Université Laval, l’Abri végétal est un site d’essai en situation réelle pour trois volets de la recherche de la Grappe biologique : 1) la production de micro-verdurettes en cabinet de croissance; 2) la culture intra-canopée; et 3) l’effet de biostimulants.   

Les producteurs sèment différentes cultures qu’ils récoltent après 21 jours pour composer un mesclun de micro-verdurettes (bette à carde, pak choi, moutarde, shiso, amarante, etc.). Avant leur participation à la Grappe biologique, la qualité de leur produit dépendait grandement de la qualité du terreau; ils souhaitent maintenant optimiser leurs méthodes de production pour garantir la qualité gustative et nutritionnelle de leur produit et le différencier des produits des systèmes hydroponiques. Pour ce faire, ils évaluent les impacts de la luminosité et de l’utilisation de divers fertilisants et inoculants sur leur culture.  

Sous le 1er volet du projet en cabinets de croissance, des luminaires à diodes électroluminescentes (DEL) ont été testés avec différents types de spectres lumineux et différentes photopériodes :  

– jours longs et courtes nuits (20h de soleil et 4h de noirceur); 

– cycles de jours courts et très courtes nuits (5h de soleil et 1h de noirceur en alternance sur 24h); 

en comparaison avec un ensoleillement naturel complété par des luminaires à haute pression de sodium (HPS).  

Ces comparaisons ont révélé que l’utilisation des DEL diminue la consommation énergétique et l’émission de chaleur. L’utilisation de DEL en cubicule de croissance est la solution idéale en culture de micro-verdurettes car la température produite par les luminaires HPS est insoutenable pour les plantes. 

Frédéric Jobin-Lawler voit d’un bon œil l’optimisation de leurs méthodes de production de micro-verdurettes en cabinets fermés. « Je vais avoir beaucoup de connaissances sur les effets des photopériodes et sur l’impact du spectre lumineux et je vais pouvoir appliquer ces connaissances par après ».   

Frédéric Lawler-Jobin, Abri Végétal (photo soumise)

Dans le cadre du 2e volet de l’activité de recherche, l’Abri végétal a cherché à optimiser les 3000 mètres carrés des serres en améliorant le rendement au mètre carré. Au lieu de faire le vide habituel entre deux cultures, ils ont fait se chevaucher deux cultures différentes afin de rentabiliser l’espace. Les deux cultures cultivées simultanément permettent d’augmenter le rendement au mètre carré pour une période donnée et, par le fait même, d’optimiser les coûts de chauffage. Les serriculteurs ont donc planté de jeunes plants de concombres au pied de plants de tomates en fin de vie.

La transplantation a été faite à un moment propice pour la jeune culture qui a besoin d’une luminosité adéquate. Ils ont donc diminué le feuillage de la vieille culture au profit de la jeune culture, et placé une lampe à l’intérieur de la canopée de la culture en fin de cycle pour que la jeune culture reçoive suffisamment de lumière. Frédéric Jobin-Lawler a acquis une certaine expertise en participant à la mise en place du dispositif expérimental et souhaite installer de nouveaux luminaires un peu partout dans les serres.  

Comme l’incidence des maladies est favorisée en cultivant en continu, différents traitements d’inoculum, soit des « bio-suppresseurs », seront testés durant le 3e volet de l’activité de recherche. Les bio-suppresseurs permettraient de limiter l’apparition de certains champignons, tel que le pythium. Ils seront appliqués soit en inoculant le terreau avec un nouveau traitement, soit en utilisant un lessivat de leur sol, afin de mettre à contribution la microflore déjà présente. « On croit qu’il y a déjà un bon potentiel de phytoprotection dans le sol de notre serre » commente Frédéric Jobin-Lawler.  

Par cette mobilisation en recherche, l’Abri-végétal cherche avant tout à appuyer la science; les producteurs sont conscients que parfois, les résultats ne répondent pas aux attentes. « On sait qu’il y a une partie liée strictement à la science. C’est aussi important de savoir ce qui fonctionne, que de savoir ce qui ne fonctionne pas. » 

Frédéric Jobin-Lawler et Annie Lévesque, les propriétaires de l'Abri végétal. (Photo soumise)

Des réunions de planification avec l’équipe de recherche ont lieu tous les 6 mois, plus fréquemment au début. À la fin d’un cycle de recherche, les chercheurs résument et vulgarisent les résultats de l’ensemble du projet chez les divers partenaires. Frédéric Jobin-Lawler apprécie ces présentations : « Ça nous permet d’avoir l’information rapidement sur ce qui s’est passé ailleurs et ça nous oriente vers de nouvelles pistes d’essais à faire chez nous ». 

Les serriculteurs de l’Abri végétal ont une vision claire de l’avenir du bio en plein sol : « On a toujours cru au principe de la certification bio, qu’une plante doive pousser dans le sol ». Ils veulent offrir aux consommateurs des produits biologiques qui se démarquent par leur goût du terroir, en plus d’être des produits sans résidus de pesticides de synthèse.  

En collaborant au projet de recherche de la Grappe biologique, ils espèrent démontrer que le sol est le meilleur vecteur de protection contre de nombreuses maladies des végétaux. Les résultats du prochain volet sur les bio-suppresseurs s’annoncent intéressants! 

La Grappe scientifique biologique 3 est dirigée par la Fédération biologique du Canada, en collaboration avec le Centre d’agriculture biologique du Canada à l’Université Dalhousie, et soutenue par le programme Agri-science d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans le cadre stratégique du Partenariat canadien pour l’agriculture (un investissement fédéral-provincial-territorial), et par plus de 70 partenaires du secteur biologique.

Ce magazine peut être ainsi référencé : Geldart, E. Graves, M.E., Boudreau, N., Wallace, J., et Hammermeister, A.M. (rédacteurs). 2022. La Science du Bio au Canada. Volume 4. Fédération biologique du Canada, Montréal, QC et Université Dalhousie, Truro, N.-É. 40 p. www.dal.ca/oacc/oscIII

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