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Les meilleures pratiques biologiques pour améliorer la santé des sols des vignobles

31 mars 2021

Sommaire

Le vin bio est de plus en plus populaire.

Interviewé par Jordan Marr, le Dr Mehdi Sharifi, en partenariat avec la Dr Liette Vasseur, teste une série de stratégies, incluant les cultures de couverture, les porte-greffes et l’irrigation afin d’améliorer la santé des sols viticoles, et, par conséquent, la production et la qualité des raisins.

Informations complémentaires

Meilleures cultures de couverture dans les vignobles biologiques

Southbrook Vineyards est un vignoble certifié biologique et biodynamique situé au cœur de la région viticole de la péninsule du Niagara, en Ontario, au Canada. Southbrook Vineyards participe à l’activité 15 de la Grappe scientifique biologique 3 (GSB3), Cultures de couverture, porte-greffes et techniques d’irrigation uniques pour les vignobles canadiens.

La Fédération biologique du Canada (FBC) a interviewé Ann Sperling, directrice de la vinification et de la viticulture à Southbrook Vineyards, sur ce qui rend ce vignoble si unique et ce pourquoi ils soutiennent la recherche.

Bonjour, je suis Mehdi Sharifi, chercheur scientifique au Centre de recherche et de développement de Summerland d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Mes recherches portent sur la gestion des éléments nutritifs – soit le travail avec les cultures de couverture et les amendements du sol dans les vignobles et les vergers.

Je vous ai invité à parler de l’une de vos récentes recherches. De quoi aimeriez-vous parler aujourd’hui ?

Une partie de mes recherches se concentre sur les cultures de couverture dans les vignobles, un projet de cinq ans lancé en 2018.

Il s’agit donc d’un projet financé par le gouvernement du Canada dans le cadre du Partenariat agricole canadien (PAC) en collaboration avec l’industrie. Ce sont les producteurs et une association de producteurs, le BC Wine and Grape Council, qui s’intéressaient au sujet des cultures de couverture les plus appropriées dans les vignobles, dans les allées et aussi sous la vigne. Ils se demandaient quels avantages ils pouvaient tirer de ces cultures de couverture dans les vignobles. Nous avons donc conçu la recherche de manière à répondre aux questions de l’industrie et des producteurs. Nous avons deux sites; je collabore avec l’Université Brock – principalement dans la région du Niagara et sur la rive nord du lac Érié, où le climat est plus humide et en Colombie-Britannique. Je travaille avec la Dre Liette Vasseur pour mener cette recherche.

En Colombie-Britannique, l’étude s’est déroulée en trois phases. La première phase consistait à faire un dépistage en serre; j’ai cultivé un large éventail de cultures de couverture dans le sol du vignoble en serre et j’ai examiné le schéma de croissance de ces cultures.

Puis, j’ai récolté ces cultures de couverture, traité la biomasse et l’ai réintroduite dans le sol afin de cultiver en serre des raisins avec ce sol enrichi; j’ai noté les variations dans la croissance et certains paramètres agronomiques, pour voir comment les raisins croissent après l’introduction des cultures de couverture dans le sol. Grâce à ces informations et aux résultats obtenus lors de la première phase, nous avons dressé une liste de cultures de couverture qui conviendraient mieux à la culture de la vigne.

Nous avons fait des choix depuis la longue liste de cultures de couverture que nous testées. La saison suivante, soit l’année dernière, nous avons sélectionné trois sites dans la vallée de l’Okanagan. La vallée de l’Okanagan, du sud au nord, présente toute une gamme de microclimats – le nord est un peu plus frais, tandis que le sud est bien sûr un peu plus chaud.

Deux vignobles biologiques commerciaux collaborent à notre recherche; Covert Farms Family Estate est un grand vignoble biologique situé au centre; dans la région de Summerland, j’ai utilisé l’un de nos blocs de raisins; dans la région plus au nord, dans la Westbank de West Kelowna, nous avons travaillé avec Kalala Organic Winery.

J’ai mis en place 15 cultures de couverture différentes dans les allées et 9 cultures de couverture sous la vigne, que nous avons étudiées afin de recueillir toutes les informations relatives à leur schéma de croissance, à leur établissement, à leur concurrence avec les mauvaises herbes. Nous avons besoin d’un type de culture de couverture qui puisse survivre dans le vignoble sans nécessiter beaucoup d’entretien, sinon cela entraînerait une hausse des coûts de gestion et le producteur n’adopterait pas ce type de culture de couverture.

Pourriez-vous décrire le statu quo traditionnel qui prévaut dans la plupart des vignobles conventionnels, qui consiste à utiliser des herbicides sur le sol et sous les vignes et, je suppose, un mélange d’herbes assez standard dans les allées. Pourriez-vous préciser cela ?

La pratique standard dans les vignobles commerciaux est d’éliminer les mauvaises herbes sous la vigne en créant une ‘bande d’herbicide’. Ils pulvérisent du glyphosate ou du Roundup deux et parfois quatre fois pendant la saison de croissance afin de freiner la croissance des plantes sous les vignes et éliminer toute forme de compétition. On assume traditionnellement que toute plante poussant sous la vigne est une ‘compétitrice’. Dans les allées entre les rangs, on laisse généralement pousser n’importe quoi, voire des mauvaises herbes, ou bien certains producteurs font pousser de l’herbe. Il s’agit donc d’une pratique normale.

Ces dernières années, il y a un grand mouvement dans le monde pour réduire l’utilisation de produits chimiques ou agrochimiques, en particulier les herbicides dans les vignobles. Des réglementations imposent de laisser passer au moins de 30 à 45 jours après la pulvérisation d’herbicides avant de récolter, en particulier s’il s’agit du Roundup.

Vous ne pouvez donc pas pulvériser le produit avant la récolte. Ces réglementations sont plus strictes en Europe. L’année dernière, le président français Emmanuel Macron a annoncé que la France produirait du vin sans herbicide ni Roundup en 2020. Les vignerons français ont donc essayé d’éliminer progressivement les herbicides et ce mouvement de grande ampleur a mis de la pression sur le reste de la planète.

Les producteurs sont donc à la recherche d’une alternative pour lutter contre les mauvaises herbes. L’une des méthodes traditionnelles consiste à enlever mécaniquement les mauvaises herbes, soit à la main, soit à l’aide d’un équipement permettant de brosser et enlever les mauvaises herbes sous la vigne. L’inconvénient de ce type de contrôle physique, le désherbage à la main, est d’être très long et coûteux; et l’utilisation d’équipement perturbe le sol et peut accélérer la décomposition de la matière organique du sol. Cela n’est pas optimal et l’implantation de cultures de couverture devient une alternative intéressante. L’utilisation de ces cultures, en particulier sous la vigne, est relativement récente; les gens ne s’y intéressent que depuis cinq ou dix ans. Nous disposons de davantage d’information sur la gestion des cultures de couverture dans les allées.

En Colombie-Britannique, les résultats de nos projets génèrent beaucoup d’intérêt. Les viticulteurs, qui sont à l’avant-garde de la durabilité, cherchent à rendre leur production plus durable et à réduire la quantité de produits agrochimiques qu’ils utilisent.

Alors, pourriez-vous nous parler brièvement de ce que serait un bon mélange de cultures de couverture dans une allée, et sous les vignes ? Quelles caractéristiques ou quels avantages essayez-vous d’obtenir?

Avant de commencer ce projet, nous avions quelques idées basées sur la littérature et les expériences passées. Mais nous avons également obtenu d’excellentes informations grâce aux recherches que nous avons menées l’année dernière. Nous avons dressé une liste des caractéristiques des bonnes cultures de couverture dans les allées et sous les vignes : elles sont généralement en concurrence avec les mauvaises herbes, elles s’établissent facilement, et les semences sont facilement disponibles sur le marché à un prix raisonnable. Les semences qui sont très dispendieuses ne seront pas être utilisées par les producteurs.

Les mauvaises herbes prendront le dessus et seront difficiles à enlever si la culture de couverture n’est pas extrêmement compétitive. Il faut aussi considérer le trafic dans les allées pendant la saison : les tracteurs vont et viennent au printemps et les cultures de couverture doivent résister au trafic, sinon elles disparaîtront quand vous roulerez dessus.

Par ailleurs, les cultures de couverture pérennes ont généralement un avantage sur les annuelles, parce que vous les établissez une fois et, une fois établies, elles sont bonnes pour deux ou trois ans, ne nécessitant que de l’entretien.  

Il importe aussi que les cultures de couverture n’abritent pas de parasites et de maladies. Nous utilisons les cultures de couverture pour réduire les ravageurs et les maladies; une culture de couverture qui les héberge n’est pas une option pour le vignoble.

Les cultures sous les vignes ne doivent pas produire beaucoup de biomasses, sinon il faudra les tondre fréquemment et cela entraînera des coûts supplémentaires. Elles ne doivent pas non plus pénétrer dans la zone de fructification. Certaines cultures de couverture, comme le sarrasin, poussent très haut et pénètrent dans la zone de fructification, ce qui complique l’entretien et rend la récolte plus difficile.

Les cultures de couverture sous la vigne ne doivent pas être compétitives. Les cultures à racines profondes comme la luzerne, qui est adaptée aux allées, ne sont donc pas adaptées aux cultures sous la vigne car leurs racines vont concurrencer les racines de la vigne.

Les plantes qui poussent en surface et qui n’entrent en compétition qu’avec les mauvaises herbes sont parfaites. Encore une fois, les plantes vivaces ont un avantage sur les plantes annuelles, et il est important de prêter attention à certaines caractéristiques comme la résistance au froid et la tolérance à la sécheresse, car le climat de l’Okanagan est sec ou semi-aride.

Une culture de couverture qui résiste à la sécheresse pendant l’été est certainement un bonus. Il en est de même pour les plantes vivaces qui survivent à l’hiver et repoussent l’année suivante. Les cultures de couverture pour climats chauds ne sont pas de bonnes options, car elles ne poussent qu’en été. Dès que le temps se refroidit, elles meurent.

Il y a donc tellement de choses à considérer. Est-ce qu’il y a une culture de couverture ou un mélange de cultures de couverture qui a le potentiel d’améliorer réellement la qualité de la récolte? Des résultats prometteurs à cet égard ?

Oui. Suivant la littérature, certaines cultures comme le trèfle blanc ont affiché des résultats prometteurs, de même que les navets et certains brassicas. Dans le cadre de nos recherches, nous avons obtenu de bons résultats avec le trèfle blanc, avec une bonne implantation dans plusieurs vignobles. Les lentilles ont également connu un grand succès dans cette région. Nous les avons plantées l’année dernière et elles se sont bien implantées dans les trois sites. Malheureusement, les navets ont été endommagées par les taupins.

Les brassicas s’établissent bien et ont une belle apparence mais elles abritent certains ravageurs comme les pucerons ou les acariens; c’est pour cette raison que nous n’avons pas choisi de continuer à les utiliser. Certaines des cultures de couverture, comme la phacélie, attirent beaucoup d’insectes bénéfiques, mais elles ne sont pas compétitives avec les mauvaises herbes; nous les avons mélangées avec une autre espèce qui est compétitive et avons obtenu de bons résultats. J’ai beaucoup aimé la phacélie, mais elle est difficile à établir et doit donc être mélangée avec autre chose.

Mehdi, tout cela semble vraiment fascinant et potentiellement très bénéfique pour l’industrie. Très brièvement, où en êtes-vous dans vos recherches ? Quand prévoyez-vous présenter des résultats ?

L’année dernière, j’ai cultivé 280 parcelles dans la vallée de l’Okanagan. Nous avons obtenu et compilé des résultats fantastiques. Je travaille avec un modélisateur pour développer un modèle qui aidera les producteurs de la vallée de l’Okanagan à sélectionner les meilleures cultures de couverture selon leur emplacement, le type de sol et le microclimat ambiant; donc c’est très excitant. 

L’année dernière, nous avons lancé la deuxième phase de notre recherche, soit le dépistage sur le terrain des variétés de cultures de couverture. Cette année, nous allons sélectionner les cultures de couverture de l’année dernière. Nous aurons trois cultures de couverture dans l’allée et trois sous la vigne, et nous ferons des études plus détaillées. Nous avons donc mis en place ces cultures de couverture à l’automne, et au cours des deux prochaines années, nous examinerons

  • la réaction de la vigne en présence de ces cultures de couverture,
  • la croissance des cultures de couverture,
  • leur impact sur le biome du sol – donc l’interaction avec les nématodes et les organismes du sol,
  • l’impact sur le cycle carbone-azote dans le sol, et
  • l’effet sur le rendement et la qualité des raisins

dans deux vignobles, l’un dans le sud à OIiver, et l’autre à West Kelowna. Nous avons vraiment hâte de surveiller les différents paramètres et voir les résultats à venir au cours des deux prochaines années.

Dans quelle mesure vos recherches pourraient-elles être transférables à la gestion des vergers – je pense que la plupart des vergers sont aménagés de la même manière que les vignobles, avec des allées et une gestion sous les arbres; y a-t-il un grand potentiel de transférabilité ?

Vous savez, cela semble très similaire mais il y a quelques différences entre les vergers et les vignobles. Les distances entre les arbres et entre les allées sont différentes, de même que le niveau d’ombrage des arbres. Mais il y a aussi beaucoup de similitudes ! Les études sur les vergers m’intéressent beaucoup. Je pense qu’une bonne partie des résultats serait transférable, en particulier pour les vergers à haute densité dont la structure est similaire à celle des vignobles. Les paramètres seraient différents pour les vergers plus anciens ou plus traditionnels, mais il serait possible d’utiliser les cultures de couverture dans ces systèmes avec quelques modifications.

 Mehdi, tout cela était si fascinant. Pour les auditeurs qui veulent en savoir plus sur vos recherches, quel est le moyen le plus facile d’accéder à ce que vous faites ?

Je travaille sur certaines publications scientifiques qui seront disponibles pour les lecteurs. Nous élaborons également des fiches d’information, et je vais faire des présentations lors de différentes réunions et séminaires de producteurs, qui sont virtuels de nos jours. Ces présentations seront annoncées par la BC Wine Grape Association. Les fiches d’information seront mises en ligne. Vous pouvez toujours me contacter et je serai plus qu’heureux de répondre à vos questions.

Merci beaucoup d’avoir participé à ce balado; mes collègues seront très intéressés d’entendre parler du travail que vous faites !

Merci encore, Jordan, c’était génial de parler avec toi.

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