loader image

La Science du Bio au Canada - Printemps 2022

Magazine

Cultures de couverture, un outil avéré pour un sol en santé

Mélanges de cultures de couverture plantés après la récolte des céréales en 2020. (Photo de Stéphanie Lavergne)

Par Stephanie Lavergne, Doctarante, Université Dalhousie, et Joannie D’Amours, Étudiante à la Maîtrise ès Science, Université Laval, 

De nombreuses approches de gestion agricole sont possibles à l’intérieur du cadre de la certification biologique. Cependant, certaines approches nécessitent un travail du sol intensif pour la lutte contre les mauvaises herbes, altérant ainsi les propriétés physiques et biologiques du sol. Par contre, d’autres pratiques, comme l’usage de cultures de couverture, pourraient atténuer l’effet du travail du sol intensif en améliorant la santé du sol. Les cultures de couverture sont des cultures non commerciales, cultivées soit en pleine saison, en dérobée ou en intercalaires entre les rangs de cultures commerciales. Elles sont principalement utilisées afin de promouvoir la santé des sols, en favorisant la biodiversité et en réduisant l’érosion, mais peuvent également servir à lutter contre les mauvaises herbes, soutenir les pollinisateurs et réduire la pression des insectes ravageurs dans les cultures commerciales. 

Santé des sols #

La santé des sols peut être définie comme la capacité de l’écosystème d’un sol à accomplir ses fonctions vitales. De telles fonctions peuvent être, par exemple, de soutenir la croissance des plantes, de fournir des habitats à divers organismes, d’atténuer les changements climatiques, de réguler les inondations, de séquestrer du carbone, etc. Le sol est à la base de la production agricole. Il revêt une importance particulière en agriculture biologique, car la nutrition des cultures dans ces systèmes repose principalement sur l’activité des organismes du sol (le réseau trophique du sol).  

Une récente étude de Dr Derek Lynch et Mme Carolynn Mann portant sur la perception de la santé des sols chez les agriculteurs des provinces maritimes du Canada a révélé que les agriculteurs biologiques s’intéressent particulièrement à la santé biologique de leurs sols. À l’instar de l’évaluation de la santé humaine, la santé des sols est mesurée à l’aide d’une combinaison de tests. Alors que certains de ces tests physiques, chimiques et biologiques peuvent être effectués directement sur le terrain, d’autres analyses de la santé des sols sont effectuées en laboratoire sur des échantillons de sol représentatifs d’un champ. Les analyses de sol peuvent évaluer plus largement la santé globale du sol à l’échelle d’une ferme, ou évaluer plus précisément un problème ou une approche agronomique spécifique à un champ. 

Les cultures de couverture fournissent de l’azote au maïs-grain biologique #

Les cultures de couverture sont souvent semées en dérobée à l’automne par les producteurs biologiques canadiens afin de fournir une couverture du sol durant l’hiver, prévenant ainsi l’érosion du sol et les pertes en éléments nutritifs, en plus de fournir de l’azote pour la culture suivante. Les producteurs étaient curieux de savoir si les mélanges de cultures de couverture en dérobée pouvaient être plus performants que les semis purs de pois fourrager en dérobée (cv. 4010). Une équipe de chercheurs de l’Université Laval et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada a mesuré la concentration en azote de la biomasse aérienne et racinaire des mélanges de cultures de couverture à base de pois, afin d’évaluer leur effet sur l’azote du sol disponible et le rendement du maïs-grain l’année suivante. L’étude sur le terrain a été menée au Québec sur un site de recherche expérimentale et chez un producteur de maïs-grain biologique. Trois mélanges de cultures de couverture contenant du pois fourrager ont été comparés à des semis purs de pois fourrager.  

Earthworm in a Soybean Field - Organic Science Canada Magazine Spring 2022
Un ver de terre dans un champ de soja récolté. (Photo de Stéphanie Lavergne)

L’étude a révélé qu’en moyenne, les racines des cultures de couverture ne représentaient que 14 % de la concentration totale en azote des cultures de couverture. Les mélanges à base de pois avaient une biomasse aérienne plus faible, mais une biomasse racinaire plus élevée que le semis pur de pois fourrager. Le rendement du maïs-grain à la suite d’un semis pur de pois fourrager ou de mélanges à base de pois a été amélioré de 28 % par rapport à un témoin sans culture de couverture. Ainsi, les mélanges à base de pois sont une bonne alternative à un semis pur de pois fourrager pour fournir de l’azote au maïs-grain, car ils amélioreraient davantage la santé des sols et favoriseraient les services écosystémiques par leur plus grande biomasse racinaire. 

 En fouillant dans la littérature scientifique, les chercheurs ont également pu mettre en évidence que les cultures de couverture de légumineuses ou constituées de mélanges à base de légumineuses sont les mieux adaptées pour augmenter les concentrations en azote et en carbone dans le sol et pour améliorer les rendements, tandis que les non-légumineuses sont les mieux adaptées pour réduire l’azote résiduel du sol et lutter contre les mauvaises herbes. Lors du choix d’une culture de couverture semée en dérobée, les agriculteurs devraient donc envisager des mélanges d’espèces de légumineuses et de graminées, car ces mélanges offrent un bon compromis entre les bénéfices agronomiques et les services écosystémiques du sol. 

L’équipe de recherche à proximité du maïs-grain prêt à être récolté au cours de la dernière journée de champ du projet. (Photo de Pascal Tessier)
Santé des sols dans des systèmes biologiques basés sur le travail du sol #

Bien que l’utilisation de cultures de couverture puisse augmenter les rendements des cultures commerciales, des études récentes menées sur des fermes ont montré que des rotations diversifiées incluant des cultures de couverture sont tout de même associées à une augmentation de l’intensité du travail du sol et à un effet négatif sur la santé des sols. Les gouvernements fédéral et provincial ont fixé des objectifs ambitieux en matière de conservation des sols afin d’améliorer à la fois la santé des sols et la séquestration du carbone dans les sols. La recherche doit nous aider à comprendre comment les pratiques de gestion du sol et les approches combinées influencent la santé des sols et la dynamique du carbone du sol. 

La doctorante Stéphanie Lavergne (Université Dalhousie), Dr Derek Lynch (Université Dalhousie) et Dre Caroline Halde (Université Laval) collaborent avec 11 agriculteurs biologiques du Québec pour combler cette lacune en matière de recherche. Une étude des sols sur ces 11 fermes est en cours pour déterminer l’effet de certaines pratiques de gestion des sols sur les indicateurs de santé des sols et sur la dynamique des populations de vers de terre. Les vers de terre sont des indicateurs particulièrement précieux lorsqu’il s’agit de la santé des sols, car ils contribuent à la dynamique du carbone dans le sol et sont sensibles aux pratiques culturales.  

Les agriculteurs biologiques sont curieux de savoir : comment la santé des sols varie-t-elle  d’une ferme à l’autre? Quels indicateurs de la santé des sols sont influencés par leurs pratiques de gestion? Quelles fonctions de santé des sols devraient-ils promouvoir et comment peuvent-ils les évaluer? 

Les résultats préliminaires de cette étude effectuée sur des fermes en production de grains biologiques au Québec suggèrent que l’abondance en vers de terre et la diversité des espèces sont influencées par les concentrations en matière organique du sol et les pratiques de gestion, telles que l’intensité du travail du sol et la rotation des cultures. Plus concrètement, la quantité  totale des vers de terre diminuerait avec l’augmentation de la fréquence du travail du sol – une plus grande fréquence de travail de sol serait associée avec une plus faible population de vers de terre.  

Un producteur québécois participant au projet a été surpris par l’abondance de vers de terre dans ses champs en 2019. Ce producteur a adopté des pratiques de travail réduit du sol depuis plusieurs années  et il se réjouit de l’effet positif réel sur la santé du sol de sa ferme.  

Cette étude était toujours en cours à l’automne 2021. Les résultats sur l’influence des pratiques de gestion sur la santé des sols et la dynamique du carbone devraient être disponibles prochainement. 

Tableau 1.  Résumé des résultats de l’étude sur les mélanges de cultures de couverture. 

Un étudiant trie à la main des vers de terre sur le terrain. (Photo de Stéphanie Lavergne)
Conclusion #

Les cultures de couverture de semis purs et de mélanges peuvent fournir de nombreux services écologiques, comme la gestion des mauvaises herbes, l’approvisionnement en azote, l’amélioration du rendement des cultures et des bénéfices au niveau de la santé des sols. L’amélioration des connaissances sur la contribution de différentes espèces de cultures de couverture à la biomasse aérienne/racinaire et aux concentrations en carbone et en azote aiderait les producteurs à choisir les espèces de cultures de couverture (ou les mélanges) qui répondent le mieux à leurs besoins. De plus, les recherches futures devraient clairement identifier les mécanismes sous-jacents à la minéralisation de l’azote du sol, à la stabilisation du carbone et aux bénéfices sur la santé des sols des cultures de couverture pour différents systèmes culturaux. Ces recherches devraient aider les agriculteurs et les différents intervenants à adapter leurs pratiques pour améliorer les rendements des cultures biologiques tout en maintenant la santé des sols. 

Des étudiants de l’Université Laval prélèvent des échantillons de biomasse de cultures de couverture avant leur terminaison par le gel hivernal en octobre 2017. (Photo de Caroline Halde)
Pour davantage d’information #

Pour plus d’informations sur la Grappe biologique 3 – Activité 27, voir www.dal.ca/OACC/OSC

Pour obtenir plus d’information sur les systèmes avec engrais verts dans l’Est du Canada : www.dal.ca/faculty/agriculture/oacc/en-home/organic-science-cluster/OSCIII/latestnews-/producer-bulletins.html

La Grappe scientifique biologique 3 est dirigée par la Fédération biologique du Canada, en collaboration avec le Centre d’agriculture biologique du Canada à l’Université Dalhousie, et soutenue par le programme Agri-science d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans le cadre stratégique du Partenariat canadien pour l’agriculture (un investissement fédéral-provincial-territorial), et par plus de 70 partenaires du secteur biologique.

Ce magazine peut être ainsi référencé : Geldart, E. Graves, M.E., Boudreau, N., Wallace, J., et Hammermeister, A.M. (rédacteurs). 2022. La Science du Bio au Canada. Volume 4. Fédération biologique du Canada, Montréal, QC et Université Dalhousie, Truro, N.-É. 40 p. www.dal.ca/oacc/oscIII

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web et analyser le trafic sur notre site de manière anonyme.