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Les sous-produits des baies en nutrition de la volaille : une alternative à l’utilisation des antibiotiques?

9 juin 2020

Sommaire

Et si nous pouvions remplacer les antibiotiques utilisés dans la production de poulets par des produits à base de baies ?

Le Dr Moussa Diarra a trouvé des résultats intéressants dans son activité de recherche de la Grappe scientifique biologique 3 en nourrissant des poulets biologiques avec des marcs de canneberges et de bleuets sauvages biologiques.

Kelly Ross, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, participe à cette activité de recherche.

Téléchargez la transcription en format PDF.

Je suis heureuse de rencontrer le Dr Moussa Diarra, qui dirige une activité de recherche portant sur une question de santé importante pour nous tous et pour la volaille : la nécessité de réduire l’utilisation d’antibiotiques dans la production de volaille non biologique. Bonjour Moussa.

Bonjour Nicole, merci de me recevoir aujourd’hui.

Nous savons tous que la cuisson du poulet est devenue un véritable défi en matière de salubrité : nous devons porter des gants et nettoyer toutes les surfaces en contact avec la viande crue pour éviter la contamination par les bactéries. Nous savons que dans la production de volaille non biologique, les oiseaux reçoivent des aliments contenant des antibiotiques. Les producteurs biologiques ne peuvent pas utiliser d’antibiotiques et doivent trouver d’autres moyens de protéger la santé des oiseaux. Dans le cadre du projet de la Grappe scientifique biologique 3, vous menez une activité de recherche qui propose de résoudre par l’alimentation le problème de l’utilisation des antibiotiques : quelle est votre approche ?

Les animaux, en général, et les volailles en particulier, peuvent être colonisés par une grande variété de bactéries qui peuvent nous rendre malades. Ma priorité est de limiter la colonisation de la volaille biologique par des bactéries pathogènes (y compris Salmonella, Campylobacter, E. coli pathogène aviaire et Clostridium perfringens) tout en préservant la santé des oiseaux, l’efficacité de la production et en maintenant la satisfaction des consommateurs.

Nous devons développer une approche alternative efficace pour la volaille et nous pensons que les composés d’origine végétale peuvent fournir des solutions pour lutter contre ces bactéries pathogènes. Dans un premier temps, sous la Grappe biologique 2, nous avons montré que le marc de canneberges et de bleuets, et leurs extraits éthanoliques, peuvent contrôler la croissance des bactéries pathogènes. Lorsque nous avons inclus [les sous-produits des baies] dans l’alimentation des poulets, nous avons vu que ces produits peuvent moduler le microbiote intestinal [les microbes qui vivent dans le système digestif].

Une réaction a également été constatée dans le sang des poulets. Par exemple, nous avons constaté une amélioration du profil des métabolites sanguins. À la lumière de ces résultats, nous avons décidé de poursuivre notre recherche sous la Grappe scientifique biologique 3 et afin d’optimiser l’utilisation du marc de baies en production de poulet biologique.

Pourquoi la santé intestinale des poulets est-elle importante ?

La santé intestinale est très importante. En tant que chercheur au Centre de recherche et de développement de Guelph depuis 2013, je travaille sur la résistance aux antimicrobiens, la pathogénèse des bactéries, l’interaction entre les agents pathogènes et leurs hôtes, ainsi que la découverte et le développement de nouvelles alternatives aux antibiotiques en production d’animaux d’élevage. Comme la santé intestinale est très importante dans toute production animale, il y a un intérêt accru pour le développement des alternatives pour le maintien de la santé intestinale.

Un intestin sain favorise la croissance des poulets et améliore leur performance et leur bien-être. La santé intestinale est associée à la santé et joue un rôle important dans la digestion et la santé globale des animaux, incluant leur système immunitaire.

Lorsque nous parlons de la santé intestinale, nous pensons au microbiote intestinal. Le microbiote intestinal fournit des vitamines, en particulier les vitamines K et B, et des métabolites. Le microbiote intestinal empêche la colonisation de l’intestin par les agents pathogènes en compétitionnant les sites de fixation et les nutriments essentiels.

Les organismes bénéfiques présents dans l’intestin régulent également la mobilité intestinale et l’immunité générale. Ils peuvent produire des substances qui peuvent inhiber d’autres bactéries, non indigènes. Ils stimulent également le développement de certains tissus. La santé intestinale est donc très importante et que de plus en plus de personnes se penchent maintenant sur la manière d’améliorer la santé intestinale en modulant les bactéries dans l’intestin.

Vous améliorez la santé des volailles en les nourrissant de baies. Quels sont les composants des baies qui sont responsables de cet effet ? Et cela se retrouve-t-il dans toutes les baies ?

Les sous-produits des baies contiennent plusieurs éléments qui pourraient être bénéfiques pour la volaille et le bétail. En santé animale, et considérant la sécurité alimentaire et même la santé environnementale, il est très important de savoir comment les pratiques alimentaires peuvent modifier le microbiote intestinal des volailles. Les bleuets sauvages se révèlent très intéressants quant à leur impact sur la composition du microbiote. Par exemple, nous avons montré que les pépins de bleuets sauvages dans l’alimentation enrichissent les microbes, tels que les Lactobacillus et les Bifidobactéries, qui sont connus pour être des bactéries bénéfiques dans l’intestin. Ils diminuent également la taille de la population de bactéries qui peuvent être potentiellement dangereuses, comme les E.coli pathogènes, Clostridium perfringens, Helicobacter pylori et Salmonella.

Lorsque nous avons isolé et exposé des salmonelles à des produits à base de baies, nous avons constaté que ces produits étaient liés à une inhibition substantielle de la croissance de ces bactéries. [Cela est même arrivé à des salmonelles qui étaient résistantes aux antibiotiques]. À titre d’exemple, Salmonella enteritidis est le sérotype le plus courant de la salmonellose humaine au Canada. Nous avons découvert que lorsque S. enteritidis était exposée à des composés de baies, elle modifiait ses métabolites responsables de l’absorption de nutriments essentiels et que ces changements sont préjudiciables à la croissance et à la survie des salmonelles. C’était une découverte très importante et cela était dû aux composés phénoliques présents dans les baies.

Alors, comment procédez-vous ? Quel est votre plan de travail pour révéler les avantages des baies sur la santé des volailles ?

Tout d’abord, je voudrais souligner que lorsque vous travaillez sur un projet impliquant des animaux, tous les protocoles de recherche doivent être approuvés par un comité indépendant de protection des animaux. Dans notre cas, nous travaillons avec des agriculteurs et avec le centre de recherche au Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD). Ils disposent d’un comité d’examen des protocoles de recherche pour l’utilisation des animaux et vous devez donc satisfaire à toutes les exigences pour qu’ils approuvent votre protocole.

Au cours du projet, nous avons obtenu deux certificats d’études expérimentales de Santé Canada pour travailler avec le CRSAD en utilisant une grange pouvant accueillir 30 000 oiseaux. Nous élevons les oiseaux de 0 à 36 jours sur le site. Nous avons travaillé avec nos précieux partenaires industriels qui nous fournissent leur marc. Lorsque nous recevons les produits, nous les préparons et appliquons la méthode d’extraction in vivo [c’est-à-dire que nous donnons l’extrait aux poulets], puis en laboratoire, nous testons ces extraits contre différentes bactéries.

En règle générale, pour qu’un produit soit testé dans l’alimentation des volailles, il faut s’assurer qu’il est efficace in vivo (c’est-à-dire qu’il agit dans le corps d’un poulet). C’est pourquoi nous examinons l’effet du marc sur la croissance bactérienne, l’expression des gènes, l’adhésion des bactéries aux cellules, etc. Il y a tant de choses que nous devons savoir. Nous devons savoir exactement ce que contiennent ces produits ; nous devons connaître leur composition. Ensuite, nous comparons les effets des produits. Il existe très peu d’études sur l’utilisation des sous-produits des baies comme complément alimentaire pour les poulets de chair.

L’étude de l’effet des compléments alimentaires comporte différents volets : la supplémentation en marc de canneberges et de bleuets sauvages biologiques, ainsi qu’en extraits, dans le régime alimentaire des volailles de 0 à 30 jours. Toutes nos recherches montrent clairement que ces extraits dans l’alimentation augmentent le poids corporel pendant les 10 premiers jours et qu’ils améliorent également l’efficacité de l’alimentation par rapport au contrôle. L’efficacité alimentaire pour le contrôle était de 1,5 et avec notre produit, nous avons obtenu 1,4. C’est une augmentation substantielle. [les oiseaux du groupe témoin ont eu une efficacité alimentaire de 1,5, ce qui signifie que les oiseaux ont pris 1 kg de poids pour chaque 1,5 kg d’aliment, alors que les oiseaux nourris avec le marc n’ont eu besoin que de 1,4 kg d’aliment pour le même gain de poids].

Nous avons constaté une prévalence plus faible de l’entérite nécrotique, une maladie causée par Clostridium perfringens. Il s’agit d’un véritable problème économique en production de volaille. Dans le groupe de contrôle, 43 % des oiseaux présentaient une entérite nécrotique, alors que ce taux n’était plus que de 25 % avec le marc de bleuets et de canneberges. C’était très bien.

Nous avons également constaté que ces produits peuvent entraîner une augmentation des bactéries importantes qui sont connues pour influencer la santé intestinale, comme Lactobacillus et Acetobacter, et une diminution des bactéries pathogènes telles que E.coli.

L’ajout de baies à l’alimentation a-t-il rendu la nourriture moins appétissante pour les oiseaux ? Ont-ils aimé ?

J’ai observé que ces produits dans l’alimentation augmentaient le poids corporel. Or, le poids corporel est lié à la consommation d’aliments : si vous ne mangez pas, vous ne grossissez pas ; si vous mangez beaucoup, vous gagnez du poids. Ce que nous voulons, c’est optimiser la prise alimentaire pour obtenir la meilleure croissance. En général, la consommation d’aliments peut être un indicateur de la toxicité d’un composé spécifique de l’alimentation. Par exemple, si vous donnez un aliment que le poulet n’aime pas, il ne le mangera pas. Lorsque nous utilisons des produits à base de baies dans l’alimentation, nous n’avons constaté aucun effet néfaste significatif sur les paramètres de croissance, tels que le poids corporel, la prise alimentaire ou l’efficacité alimentaire, de 0 à 35 jours.

Travaillez-vous avec des poulets de chair ou des pondeuses ?

Je travaille avec des poulets de chair biologiques pour l’instant. Cependant, nous savons que :

  • des œufs contaminés ont été mis en cause et identifiés comme source de salmonelles au Canada et dans le monde,
  • les baies de notre étude montrent un effet important contre la salmonelle,
  • la bactérie E. coli pathogène est une source majeure de colibacillose, une maladie importante pour les pondeuses,
  • nous avons constaté un effet des produits à base de baies contre ces bactéries.

Tous ces résultats indiquent que les produits à base de baies peuvent également être utilisés avec les pondeuses pour lutter contre les agents pathogènes, tels que la salmonelle et l’E. coli pathogène.

Quel serait donc le résultat idéal de vos recherches ? Que les poulets soient nourris quotidiennement avec des sous-produits à base de canneberges ?

En production conventionnelle de poulets de chair, les antibiotiques sont mélangés aux aliments et sont administrés quotidiennement du jour 0 jusqu’à l’abatage. Certains antibiotiques ont une période de retrait, d’autres non. Notre recherche nous a permis de confirmer un effet significatif de l’ajout de marc à la diète dans les dix premiers jours de croissance sans aucun effet néfaste pendant la période de croissance restante. Nous proposons donc inclure ces produits dans l’alimentation pendant, par exemple, de 0 à 14 jours et de les retirer ensuite. C’est le genre de choses sur lesquelles nous travaillons actuellement pour déterminer le moment et les doses exacts des produits à utiliser pour une meilleure performance de production.

Dans certains cas, nous avons constaté un effet positif similaire sur la croissance et la santé intestinale par rapport à la production qui utilise des antibiotiques et, de plus, nous avons constaté un meilleur effet sur la réponse immunitaire par rapport aux antibiotiques traditionnels. Les antibiotiques ne sont pas utilisés pour améliorer la réponse immunitaire, mais seulement pour contrôler les bactéries. Avec nos composés, nous ne disposons pas seulement d’agents antimicrobiens, nous pouvons aussi aider à améliorer l’immunité. Ce sera la différence entre nos résultats et l’utilisation traditionnelle des antibiotiques. Nous espérons voir l’adoption de sous-produits à base de baies dans la production de poulet pour améliorer et maintenir leur santé au moins pendant la période où ils sont plus sensibles aux infections.

Cela va-t-il augmenter le coût de l’alimentation et, en fin de compte, le coût de production du poulet ? Ou, peut-être que si vous pouvez supprimer les antibiotiques et les remplacer par des produits à base de canneberges, il n’y aura pas de coût supplémentaire pour les producteurs ?

C’est une excellente question et on nous la pose souvent. Honnêtement, je n’ai pas de réponse claire à cette question. Lorsque nous avons lancé ce projet, le marc n’avait aucune valeur ; nos partenaires de l’industrie fournissaient le marc gratuitement et nous le transformions nous-mêmes. Bien sûr, si [l’avantage pour la santé] est très important et que les producteurs commencent à l’utiliser, il y aura un coût associé aux produits. Mon rôle est de fournir des preuves scientifiques pour montrer que cela peut être utile ; les économistes en estimeront le coût. Ce n’est pas mon domaine d’expertise.

Un proverbe dit que la nourriture est le meilleur médicament. Nous vous souhaitons beaucoup de succès et nous attendons avec impatience les résultats finaux de votre activité qui se terminera en 2021.

Merci, Nicole. Nous espérons avoir un projet productif et nous souhaitons travailler avec les agriculteurs et les aider.

Cette transcription a été éditée dans un souci de clarté et de concision.

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