Une alternative à la castration chirurgicale pour le bien-être des porcelets biologiques
L’un des nombreux défis auxquels sont confrontés les éleveurs de bétail a toujours été la castration des mâles. Chez de nombreuses espèces d’animaux domestiques, les hormones mâles sont liées à une augmentation de l’agressivité et des comportements sexuels tels que le chevauchement, pouvant entraîner des risques pour la sécurité des éleveurs et des blessures pour les animaux. Dans le cas des porcs, les hormones mâles sont également liées à une odeur forte et désagréable, appelée « odeur sexuelle du verrat », que l’on retrouve chez les mâles sexuellement matures et qui est présente lors de la cuisson de la viande.
La castration des porcelets mâles est depuis longtemps une source d’appréhension pour les producteurs. Contrairement aux méthodes appliquées pour les autres espèces, la castration des porcs se fait par voie chirurgicale et, malgré le recours à l’analgésie et à l’anesthésie, la procédure est douloureuse et s’accompagne de risques d’hémorragie, d’hernie et d’infection.
Outre les considérations de bien-être, la castration peut entraîner
une baisse du taux de croissance, une hausse des coûts de l’alimentation
et une augmentation de la teneur en graisse de la carcasse.
Les Normes biologiques canadiennes autorisent la castration chirurgicale des porcelets avec l’utilisation d’un anesthésique et d’un analgésique pour contrôler la douleur pendant et après la procédure, mais recommandent fortement aux producteurs d’envisager le recours aux méthodes non chirurgicales qui pourraient être mises à leur disposition.
L’une de ces méthodes alternatives attire l’attention des chercheurs : l’utilisation de marqueurs génétiques pour produire des lignées de porcs reproducteurs qui présentent des niveaux plus faibles des composés à l’origine de l’odeur sexuelle du verrat. Cette méthode s’aligne sur les principes de l’agriculture biologique en ce qu’elle utilise la diversité génétique déjà présente dans la nature en sélectionnant les animaux qui transmettront les traits recherchés. C’est exactement le sujet de l’activité de recherche 25 de la Grappe scientifique biologique 3 : Alternative à la castration chirurgicale pour le bien-être des porcelets biologiques, dirigée par le Dr James Squires, de l’Université de Guelph. Le projet étudie comment la sélection d’animaux à faible odeur sexuelle influe sur la physiologie et la qualité de la viande, et sur le comportement et l’environnement social
Le Centre Canadien pour l’Amélioration des porcs est le partenaire de l’industrie qui participe à cette activté de recherche de la Grappe scientifique biolgoique 3. Le CCAP a été créé par l’industrie porcine en 1994 pour fournir des services d’amélioration génétique, qui étaient auparavant assurés par AAC. Le centre a été créé parallèlement aux centres pour les bovins laitiers, la volaille et autres produits. Le CCAP travaille avec d’autres membres de la chaîne de valeur pour contribuer à l’amélioration des porcs et à l’amélioration de la viande de porc. Le CCAP fournit un service d’évaluation génétique aux éleveurs de race pure et s’est lancé dans un nombre croissant de projets de recherche, qui portent essentiellement sur l’amélioration génétique, mais aussi sur l’amélioration en général. Brian Sullivan, directeur général, s’est entretenu avec la Fédération biologique du Canada sur cette activité.
Deux composés sont responsables de la production de l’odeur sexuelle des verrats : l’androsténone, une phéromone produite dans les testicules et dans les glandes surrénales, qui se dépose dans la graisse de l’animal au cours de sa croissance, et le skatole, produit par des bactéries intestinales. Le skatole, que l’on le trouve à la fois dans le fumier et dans l’environnement, est moins lié à la génétique que l’androsténone, bien que l’on ait constaté que la génétique augmente ou diminue les niveaux des deux composés lors de l’abattage. L’activité de recherche s’est concentrée sur la manipulation des niveaux d’androsténone, car il s’agit d’un trait héréditaire.
« Nous savons que la génétique joue un rôle important, en particulier pour l’androsténone », explique M. Sullivan. « Nous avons pu trouver des liens avec des marqueurs génétiques, c’est donc sur cela que nous nous sommes concentrés, pour valider l’efficacité que cela pourrait avoir. Nous comparons un groupe de porcs qui possèdent des types de marqueurs liés à un taux plus élevé d’androsténone, à un groupe de porcs qui possèdent des marqueurs liés à un taux d’androsténone plus faible. » L’activité a observé s’il y a une différence par rapport aux types de marqueurs estimés, et si cela correspond à des différences réelles une fois que les animaux ont atteint le poids du marché.
« Dans le cadre de cette recherche, nous voulions savoir si le groupe avec un taux d’androsténone élevé affichait une différence de comportement par rapport au groupe avec un faible taux « , note Sullivan. « Tel le comportement de chevauchement, ou une agressivité accrue, ou moindre. Le premier lot que nous avons observé n’a montré aucune différence significative, et nous voulons répéter l’essai. »
Le premier essai a été réalisé à la ferme de recherche de l’Université de Guelph, et le second se fera avec un éleveur plus important, ce qui permettra d’avoir des groupes plus grands. L’essai se déroulera au cours des prochains mois et utilisera les marqueurs génétiques découverts dans le cadre d’un projet précédent pour prédire les niveaux d’odeur sexuelle chez les jeunes verrats. Les verrats seront élevés et leur comportement sera évalué, ainsi que leurs réactions face à des éléments tels que l’introduction de verrats étrangers dans un groupe ou l’approche d’humains, afin de déterminer s’il existe une différence entre les groupes avec une forte ou une faible teneur en androsténone. « Une fois que les animaux auront atteint le poids du marché, nous les contrôlerons une dernière fois pour observer comment leurs niveaux réels [d’androsténone] se comparent aux estimations liées aux marqueurs génétiques. »
Les tests chimiques et sensoriels sont utilisés pour détecter l’odeur sexuelle dans la viande de porc commerciale. Des valeurs seuils sont proposées pour déterminer les concentrations d’androsténone et de skatole qui seraient acceptables pour les consommateurs. Les seuils sont variables lors de la mesure à l’aide de tests sensoriels, car ils tendent à varier d’une personne à l’autre. « Certaines personnes peuvent détecter de faibles odeurs sexuelles et sont plus susceptibles d’être gênées par celles-ci, alors que d’autres ne peuvent pas du tout les détecter », note Sullivan. « Le CCAP a travaillé avec un biochimiste pour développer un test où la graisse est analysée pour déterminer les niveaux d’androsténone et de skatole une fois que les animaux ont été abattus. L’objectif est d’obtenir une mesure objective qui est facile, économique et plus précise qu’un test sensoriel. »
Cette recherche pourrait avoir un impact important sur la production porcine biologique. Non seulement le fait d’éviter la castration chirurgicale constituerait une amélioration exceptionnelle du bien-être de ces animaux et soulagerait les éleveurs, mais cela aurait également un impact environnemental significatif. L’élevage d’animaux mâles non castrés améliore les taux de croissance des animaux et la productivité, augmentant les performances jusqu’à 10 %. Cette augmentation de la productivité permet de réduire les apports d’aliments et d’eau tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, les rejets d’urine et de matières fécales, ce qui conduit à une industrie porcine plus durable.
De plus amples informations sur les activités de recherche de la Grappe scientifique biologique 3, y compris l’activité 25, sont disponibles sur le site Web de la Grappe scientifique biologique 3.
Vous élevez des porcs de races patrimoniales ?
Les chercheurs de l’activité ont besoin de votre aide !
L’équipe est à la recherche d’échantillons provenant spécifiquement des races patrimoniales pour approfondir ses recherches sur la détermination des niveaux d’androsténone. Si vous élevez des verrats patrimoniaux destinés à l’abattage, ou si vous gardez des verrats sur lesquels vous seriez prêt à faire une biopsie, vous pouvez contacter Lydia Conrad, chercheure à l’Université de Guelph, à l’adresse lconra01@uoguelph.ca.
L’équipe de recherche sera en mesure de vous indiquer les niveaux d’androsténone présents chez vos animaux, et une banque d’ADN sera conservée pour des tests génomiques ultérieurs.
Ne manquez pas l’occasion de déterminer les niveaux d’androsténone des mâles de votre troupeau !
La science pour tous – L’édition génétique
Une discussion (en anglais) sur la science, les risques et les limites des nouvelles techniques de l’édition génétique, présentée par National Farmers Union.Vous êtes tous invités!
Jeudi, le 27 janvier 2022, 12 h HNP/ 15 h HNE